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Page:Bernanos - L’Imposture.djvu/174

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L’IMPOSTURE

de ses livres !… Mais il n’a plus écrit une seule ligne depuis des années… Son infirmité, sa patience, sa résignation — hélas ! tout humaine — le rendent digne de pitié, d’égard… D’ailleurs, il porte le plus grand intérêt au problème religieux, à ses solutions les plus neuves… Et puis son influence est grande… je le crois même un peu redouté.

À un signe de Pernichon, il rougit légèrement, et reprit d’un air piqué :

— Permettez-moi de ne faire aucune allusion à certaines calomnies… Je ne pense qu’à vous, mon cher enfant… Ne croyez jamais si aisément sur parole les gens bien informés. Jusqu’à ces toutes dernières semaines, vous le savez mieux que personne, M. Guérou menait, à la campagne, une vie très retirée, très secrète, qu’on m’a dit même austère… Je l’ai vu cinq ou six fois l’an passé sans que le plus petit indice… Enfin, j’ai appris son retour à Paris en quittant Paumiers… Pour moi, c’est la démarche d’un homme qui se sent condamné… se met en présence de la mort imminente… c’est-à-dire, en quelque sorte, devant Dieu… Laissons cela !

Il s’arrêta au seuil de l’hôtel Pupey-Gibon, tout frémissant de sympathie, de bonne volonté, d’impatience — et d’un geste de sa main gantée, il écartait, il dissipait déjà ainsi qu’une légère fumée, ainsi qu’une odeur importune, ce drame où il avait failli entrer, auquel il venait de fermer son âme, le tragique Pernichon.

— Vous avez tout à l’heure quitté la pièce en forcené, sans dire adieu à personne, et après une scène regrettable que notre hôte était en droit de juger in-