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Page:Bernanos - L’Imposture.djvu/267

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L’IMPOSTURE

dit, écoulé, depuis près d’une semaine. Reprenez-moi si je m’exprime mal.

— Je… vous… enfin, vous vous exprimez très bien… Parfaitement !… Parfaitement !… balbutia le pauvre prêtre… Madame de la Follette, je m’excuse de… de mon oubli… de ma distraction… Oh ! je me suis mis des charges sur les bras, de grosses charges !

Il tira de sa poche un second mouchoir, le posa soigneusement sur la cheminée, puis ouvrit son porte-monnaie, et y fouilla longuement des deux doigts, avec un sérieux extraordinaire.

— Je paierai demain, dit-il enfin, je vous paierai demain soir sans faute, madame de la Follette. Je suis un peu gêné pour le moment…

Il reprit son mouchoir, et s’essuya convulsivement le front et les joues.

— C’est seulement malheureux que j’y sois de mes sous, conclut Mme de la Follette. Charité bien ordonnée commence par soi-même. L’honnête homme vit selon ses moyens ; à bon entendeur, salut. Maintenant, je vais me payer de monter et de descendre vos cinq étages jusqu’à demain soir, gratis pro deo, comme vous dites à la messe.

— Arrêtez, madame de la Follette… un moment ! fit le vieux prêtre, avec un profond soupir. Je sais que je gouverne très mal mon petit budget : je n’ai pas d’ordre. Oh ! je serais désolé que vous fussiez tenté de juger d’après moi mes confrères. En général nous sommes de bons clients, de très bons clients. Vous, vous êtes une femme économe, avisée. Le bon Dieu a béni aussi ces femmes-là, madame de la Follette. Ne croyez pas surtout que je méprise l’ordre ! Il est