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Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/91

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SOUS LA LUNE

J’aime autant leur dire tout de suite qu’ils compromettent ainsi gravement la cause qu’ils prétendent servir, car ils engagent, en faveur d’alliés qui n’ont rien à perdre, qu’eux-mêmes, des traditions précieuses, et jusqu’au principe même de l’ordre, alors qu’ils ne peuvent en attendre qu’une résistance aveugle et haineuse à tout changement. S’il est un spectacle capable de faire vomir, c’est bien celui des monarchistes français mendiant les services de la Démocratie sous sa forme la plus basse et d’ailleurs originelle, car ce qui submerge aujourd’hui les associations dites nationales, c’est précisément le public cher aux pionniers de la République radicale, et ces fameuses couches profondes sur lesquelles on l’a vu germer.

Je m’efforce de toujours parler sans ironie. Je sais bien que l’ironie n’a jamais touché le cœur de personne. Elle n’est elle-même trop souvent que le gémissement d’un cœur blessé. Voilà que se découvre au monde la tragédie sans commencement ni fin, parce qu’elle n’a ni sens ni but. Du moins aucun but qu’on puisse avouer. La guerre du désespoir, alibi sanglant des partis réduits à l’impuissance, impuissants à créer rien, les uns s’opposant à tout retour en arrière, les autres à toute marche en avant, mais les uns et les autres incapables de définir, ou simplement de concevoir, l’avant et l’arrière. Chacun se