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Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/93

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SOUS LA LUNE

centes. Nous aurions dû leur défendre de sortir seules. Elles ont maintenant beaucoup servi.

Je ne dis pas cela pour le plaisir d’embarrasser les Docteurs. À quoi bon ? Il est absurde de croire avec Jean-Jacques que l’homme naît bon. Il naît capable de plus de bien et de plus de mal que n’en sauraient imaginer les Moralistes, car il n’a pas été créé à l’image des Moralistes, il a été créé à l’image de Dieu. Et son suborneur n’est pas seulement la force de désordre qu’il porte en lui : instinct, désir, quel que soit le nom qu’on lui donne. Son suborneur est le plus grand des anges, tombé de la plus haute cime des Cieux. Certes, l’expérience de l’histoire n’est pas sans profit pour les légistes et les politiques, mais l’homme dépasse toujours, par quelque côté, les définitions par lesquelles on prétend le cerner. Du moins, l’homme dont je parle. Celui-là ne veut pas son bonheur, comme il vous plaît de le dire, il veut sa Joie, et sa Joie n’est pas de ce monde, ou du moins, elle n’y est pas tout entière. Vous êtes libre, évidemment, de ne croire qu’à l’homo sapiens des humanistes, vous auriez tort seulement de prétendre donner au mot le même sens que moi-même, car votre ordre, par exemple, n’est pas le mien, votre désordre n’est pas mon désordre, — et ce que vous appelez le mal, n’est qu’une absence. La place vide laissée dans l’homme ainsi que l’empreinte du cachet dans la cire. Je ne dis pas que vos définitions soient absurdes, mais elles ne nous