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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

emportements de colère, d’où naît soudain le désir, il se sentait moins de remords que de confusion, n’ayant jamais beaucoup plus épargné ses maîtresses qu’un loyal compagnon qui tient sa partie dans un jeu brutal. Il ne la reconnaissait plus.

— Répondras-tu ? s’écria-t-il, exaspéré par son silence.

Mais elle reculait devant lui, à pas lents. Comme elle fuyait vers la porte, il essaya de lui barrer la route en poussant son fauteuil à travers l’étroit passage, mais elle évita l’obstacle d’un saut léger, avec un cri de frayeur si vive qu’il en demeura sur place, haletant. Une seconde plus tard, alors qu’il se retournait pour la suivre, il la vit dans un éclair, à l’autre extrémité de la salle, dressée sur la pointe de ses petits pieds, s’efforçant d’atteindre quelque chose au mur, de ses bras tendus.

— Hé là ! à bas les pattes ! enragée ! En deux bonds il l’eût sans doute rejointe et désarmée, mais une fausse honte le retint. Il s’approchait d’elle sans hâte et du pas d’un homme qu’on n’arrêtera pas aisément. Car il voyait son propre hammerless — un magnifique Anson — entre les mains de sa maîtresse.

— Essaie voir ! disait-il en avançant toujours et comme on menace un chien dangereux.