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Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 1, 1926.djvu/63

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HISTOIRE DE MOUCHETTE

gros homme l’emportait comme une proie. Elle se sentit jetée rudement sur le canapé de cuir. Puis une minute encore elle ne vit plus que deux yeux d’abord féroces, où peu à peu montait l’angoisse, puis la honte.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

De nouveau, elle était libre ; debout, en pleine lumière, les cheveux dénoués, un pli de sa robe découvrant son bas noir, cherchant en vain du regard le maître détesté. Mais elle distinguait à peine un grand trou d’ombre et le reflet de la lampe sur le mur, aveuglée par une rage inouïe, souffrant dans son orgueil plus que dans un membre blessé, d’une souffrance physique, aiguë, intolérable… Lorsqu’elle l’aperçut enfin, le sang rentra comme à flots dans son cœur.

— Allons ! Mouchette, allons ! disait le bonhomme inquiet.

Parlant toujours, il s’approchait à petits pas, les bras tendus, cherchant à la reprendre, sans violence, ainsi qu’il eût fait d’un de ses farouches oiseaux. Mais cette fois elle échappa.

— Qu’est-ce qui te prend, Mouchette ? répétait Cadignan, d’une voix mal assurée.

Elle l’épiait de loin, sa jolie bouche déformée par un rictus sournois. « Rêve-t-elle ? » pensait-il encore… Car ayant cédé à un de ces