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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

doute, mais gâtées par une violence et un entêtement singuliers, sans éducation ni manières, d’une grande pitié plus zélée que sage, pour tout dire encore assez mal dégrossi. Je crains qu’un homme tel que vous (ici un petit trait d’usage, d’ironie épiscopale)… je crains qu’un homme tel que vous ne puisse s’accommoder d’un petit sauvage qui, vingt fois par jour, vous offensera malgré lui. »


— Qu’avez-vous répondu ? demanda l’abbé Demange.

— À peu près ceci ; s’accommoder n’est rien, Monseigneur ; il suffit que j’en puisse tirer parti, ou quelque chose d’approchant.

Il parlait sur le ton d’une déférence malicieuse, et son beau regard riait, avec une tranquille audace.

— Enfin, dit le vieux prêtre impatient, de votre propre aveu, le bonhomme répond au signalement qu’on vous en avait donné ?

— Il est pire, s’écria le doyen de Campagne, mille fois pire ! D’ailleurs, vous l’avez vu. Sa présence dans une maison si confortable est une offense au bon sens, certainement. Je vous fais juge : les pluies d’automne, le vent d’équinoxe qui réveille mes rhumatismes, le poêle surchauffé qui sent le suif bouilli, les semelles crot-