Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 1, 1926.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
LA TENTATION DU DÉSESPOIR

sottement vous fais de la peine. Ne mêlons pas nos petites affaires à celles de Dieu.

Il se recueillit une minute sans cesser de sourire.

— J’ai trop d’esprit ; cela me perd. J’aurais mieux à faire que vous proposer des énigmes, et m’amuser de votre embarras. Ah ! mon ami, Dieu nous propose aussi des énigmes… Je menais une vie tranquille, ou plutôt je l’achevais tout doucement. Depuis que ce lourdaud est entré ci-dedans, il tire tout à lui sans y songer, ne me laisse aucun repos. Sa seule présence m’oblige à choisir. Oh ! d’être sollicité par une magnifique aventure quand le sang coule si rare et si froid, c’est une grande et forte épreuve.

— Si vous présentez les choses ainsi, dit l’abbé Demange, je vous dirai seulement : votre vieux camarade réclame sa part de votre croix.

— Il est trop tard, continua le curé de Campagne, toujours souriant. Je la porterai seul.

— …Mais à vous dire vrai, en conscience, reprit l’abbé Demange, je n’ai rien vu dans ce jeune prêtre qui vaille de jeter dans le trouble un homme tel que vous. Ce que j’en ai appris m’embarrasse sans me persuader. L’espèce est commune de ces vicaires au zèle indiscret, faits