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Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 1, 1926.djvu/124

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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

âmes à l’unité, à la réalité d’un seul amour ! Que la ruse du diable paraît vaine, en somme, dans sa laborieuse complication !

— Je le crois avec vous, dit l’abbé Demange. Pardonnez-moi encore ceci, qui vous paraîtra bien commun. Je crois que le chrétien de bonne volonté se maintient de lui-même dans la lumière d’en haut, comme un homme dont le volume et le poids sont dans une proportion si constante et si adroitement calculée qu’il surnage dans l’eau s’il veut bien seulement y demeurer en repos. Ainsi — n’étaient certaines destinées singulières — j’imagine nos saints ainsi que des géants puissants et doux dont la force surnaturelle se développe avec harmonie, dans une mesure et selon un rythme que notre ignorance ne saurait percevoir, car elle n’est sensible qu’à la hauteur de l’obstacle, et ne juge point de l’ampleur et de la portée de l’élan. Le fardeau que nous soulevons avec peine, en grinçant et grimaçant, l’athlète le tire à lui, comme une plume, sans que tressaille un muscle de sa face, et il apparaît à tous frais et souriant… Je sais que vous m’opposerez sans doute l’exemple de votre protégé…


— Me voici, monsieur le chanoine, dit derrière eux une voix basse et forte.