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HISTOIRE DE MOUCHETTE

— Par exemple ! s’écria Malorthy, foudroyé.

Il ne connaissait pas grand’chose à cette forme supérieure de l’aplomb que les beaux esprits nomment cynisme.

— Mon cher Malorthy, continuait l’autre sur le même ton, je n’ai pas de conseil à vous donner ; d’ailleurs, dans un mauvais cas, un homme tel que vous n’en reçoit point. Je vous dis simplement ceci : revenez dans huit jours ; d’ici là, calmez-vous, réfléchissez, n’ébruitez rien, n’accusez personne ; vous pourriez trouver moins patient que moi. Vous n’êtes plus un enfant, que diable ! Vous n’avez ni témoins, ni lettres, rien. Huit jours, c’est assez pour entendre parler les gens et faire d’une petite chose un grand profit : on voit venir… M’avez-vous compris, Malorthy ? conclut-il d’un ton jovial.

— Peut-être bien, répondit le brasseur.

À ce moment, le tentateur hésita ; une seconde sa voix avait fléchi. « Il voudrait que je vide mon sac, pensa Malorthy, attention !… » Ce signe de faiblesse lui rendit courage. Et d’ailleurs, il s’enivrait à mesure de sentir monter sa colère.

— Renseignez-vous, dit encore Cadignan, et laissez la petite fille en paix. Au surplus, vous n’en tirerez rien. Ce joli gibier-là, voyez-vous,