Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 1, 1926.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
LA TENTATION DU DÉSESPOIR

entretien auquel il ne pense plus sans un certain embarras. Son vicaire, d’ailleurs, n’est-il pas toujours simple, aussi docile, et d’une déférence aussi parfaite, irréprochable ?… Aucun des confrères qui l’approchent n’a remarqué en lui de changement. On le traite avec la même indulgence, un peu méprisante ; on loue son zèle et sa piété. Le curé de Larieux, son directeur, bon vieillard nourri de la moelle sulpicienne et qui le confesse chaque jeudi, ne manifeste aucune surprise, aucune inquiétude. Le dernier trait, fait pour le rassurer, déçoit au contraire l’abbé Menou-Segrais, jusqu’au malaise.

Sans doute, plus d’une fois, il a cru raffermir, par un détour ingénieux, son autorité défaillante. Alors il propose, suggère, ordonne, avec le désir à peine avoué d’être un peu contredit. Dût-il se rendre à de meilleures raisons, au moins se trouverait rompu cet insupportable silence ! Mais l’humble soumission de l’abbé Donissan rend cette dernière ruse inutile. Qu’il propose, il est aussitôt obéi. C’est en vain qu’il éprouve tour à tour la patience et la timidité du pauvre prêtre, avec une sagacité cruelle, et que, par exemple, après l’avoir longtemps dispensé du sermon dominical, il le lui impose un jour, à l’improviste. Le malheureux, au jour dit, sans un reproche, rassemble en hâte quelques