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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

mystérieuse, à l’égarement qui, quelques heures plus tôt, l’arrêtait en chemin, l’écartait incompréhensiblement de son but… Et cependant, d’autre part, pourquoi cette dernière rencontre ne serait-elle point un secours, une rémission ? Ne peut-il attendre humblement conseil de l’homme de bonne volonté qui, en l’assistant, pratique, sans la pouvoir nommer peut-être, la charité de l’Évangile ?… Ah ! il est trop dur de se taire, de repousser une main tendue !

Il la prend, cette main, il la presse, et aussitôt son cœur s’échauffe étrangement dans sa poitrine. Ce qui lui paraissait encore, une minute avant, naïf ou dangereux, lui semble à présent judicieux, nécessaire, indispensable. L’humilité dédaigne-t-elle aucun secours ?

— Je ne sais, commença le vicaire de Campagne, je ne sais comment vous faire comprendre… excuser… Mais à quoi bon ?… Vous jugerez mieux ainsi de ma misère… Hélas ! Monsieur, il est dur de penser qu’un pauvre prêtre tel que moi — si lâche — si aisément terrassé, n’en a pas moins la mission d’éclairer le prochain, de relever son courage… Quand Dieu me délaisse…

Il secoua la tête, fit un effort pour se dresser debout et, pesamment, retomba.

— Vous êtes allé jusqu’au bout de vos forces,