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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

sa main tremblait encore quand il la dressa contre lui-même. Il saisit pourtant cette épaule, il en sentit l’épaisseur sans mourir d’effroi, il la serra pour la briser, il la pétrit dans ses doigts avec une fureur soudaine. Son visage était devant lui, devant lui son propre regard, son souffle sur sa joue, sa chaleur sous sa paume… Puis tout disparut.

De la lamentable dépouille, encore gisante dans la boue, la voix s’éleva de nouveau.

— Tu me brises, tu me mâches, tu me dévores, geignait-elle. Quel homme es-tu donc pour anéantir une vision si précieuse avant de l’avoir seulement contemplée ?

— Ce n’est pas cela dont j’ai besoin, continua l’abbé Donissan. Que m’importe de me connaître ? L’examen particulier, sans autre lumière, suffit à un pauvre pécheur.

Il parlait ainsi, bien que le regret de la vision perdue blessât toutes ses fibres. Le vertige d’une curiosité surnaturelle, désormais sans effet, à jamais, le laissait haletant, vide. Mais il croyait toucher au but.

— Tu es au bout de tes ruses, dit-il à la chose frémissante que son pied repoussait hors de la route. Qui sait le temps dont je dispose encore ? Hâtons-nous ! Hâtons-nous !

Il se pencha très bas, moins pour prêter