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HISTOIRE DE MOUCHETTE

un page pour lui porter la queue de sa robe !… Enfin nous avons eu un petit mot ensemble, lui et moi. Voyons si nous sommes d’accord ; tu vas me promettre de filer droit, et d’obéir les yeux fermés.

Elle pleurait à petits coups, sans bruit, le regard clair à travers ses larmes. L’humiliation qu’elle avait crainte par avance ne l’effrayait plus. « J’en mourrai de honte, bien sûr ! » se répétait-elle la veille encore, attendant d’heure en heure un éclat. Et maintenant elle cherchait cette honte, et ne la trouvait plus.

— M’obéiras-tu ? répétait Malorthy.

— Que voulez-vous que je fasse ? fit-elle.

Il réfléchit un moment :

— M. Gallet sera demain ici.

— Pas demain, interrompit-elle…, le jour du franc marché ; samedi.

Malorthy la contempla une seconde, bouche bée.

— Je n’y pensais plus, en effet, dit-il. Tu as raison, samedi.

Elle avait fait cette remarque d’une voix nette et posée que son père ne connaissait pas. Au coin du feu la vieille mère en reçut le choc, et gémit.

— Samedi… bon ! Je dis samedi, continua le brasseur, qui perdait le fil de son discours.