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HISTOIRE DE MOUCHETTE

conclue, la seule porte refermée sur l’avenir et la joie… Certes, elle avait promis le silence, mais il était aussi sa sauvegarde… Ce gros homme, à présent, qu’elle détestait.

— Non ! Non ! dit-elle encore.

— Elle est folle. Seigneur Dieu ! gémissait maman Malorthy, en levant les bras au ciel, folle à lier !

— Je le deviendrai, bien sûr, reprit Germaine, pleurant plus fort. Pourquoi me faites-vous du mal, à la fin ! Décidez ce qui vous plaira, battez-moi, chassez-moi, je me tuerai… Mais je ne vous dirai rien, là, tout de même ! Et pour M. le marquis, c’est des mensonges ; il ne m’a seulement pas touchée.

— Garce ! murmurait le brasseur entre ses dents.

— À quoi bon m’interroger, si vous ne voulez pas me croire ? répétait-elle, d’une voix d’enfant.

Elle affrontait son père, elle le bravait à travers ses larmes ; elle se sentait plus forte de toute sa jeunesse, de toute sa cruelle jeunesse.

— Te croire ? fit-il. Te croire ? Il faut plus malicieuse que toi pour rouler papa lapin… Veux-tu que je dise ? Il a fini par avouer, ton galant ! Je lui ai poussé une botte, à ma façon :