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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

la nuit, vue dans les vitres d’un noir opaque, l’air tiède et un peu lourd semblait doux à respirer.

— Tiens ! rage si tu veux, Mouchette, dit tranquillement le marquis ; tu ne me mettras pas en colère ce soir. Parole d’honneur ! c’est plaisir de te voir ci-dedans !

Il tassa les cendres de sa pipe d’un doigt minutieux, et reprit, mi-sérieux, mi-plaisant :

— On peut refuser cinq cents louis, mignonne. Mais on ne crache pas dans la main d’un pauvre diable qui offre loyalement le fond de sa bourse. De toi à moi, ce bout d’explication suffit. La misère ne me fait pas honte, petite…

Aux derniers mots, Germaine rougit.

— Je n’en ai pas honte non plus, fit-elle. Ai-je jamais rien demandé, d’abord ?

— Non pas… non pas… Mouchette. Mais Malorthy, ton père…

Il s’arrêta net, ayant parlé sans malice, en voyant trembler la bouche de sa maîtresse, et le cou précieux, gonflé d’un sanglot d’enfant.

— Hé bien quoi ! Malorthy, Malorthy ? Qu’est-ce que cela me fait à la fin ! C’est trop fort ! Il est faux que je t’aie dénoncé, c’est un mensonge ! Ah ! quand hier soir… devant moi… il a osé dire… J’étais folle de rage ! Tiens ! Je