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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

Elle se laissa glisser à ses pieds et réfléchit une minute, le menton dans ses deux mains jointes… Puis elle leva vers lui, de nouveau, ses yeux pleins de ruse.

— …Va… va… va toujours, dit-elle en hochant la tête… Je sais que tu me hais… Moins que moi ! fit-elle encore gravement.

Et elle ajouta aussitôt :

— Seulement, toi… tu ne sais même pas ce que c’est.

— Ce que c’est, quoi ?

— Haïr et mépriser, dit-elle.

Alors elle commença de parler avec une volubilité extrême, comme elle faisait chaque fois qu’un mot jeté au hasard réveillait au fond d’elle-même ce désir élémentaire, non pas la joie ou le tourment de cette petite âme obscure, mais cette âme même. Et dans la vibration de ce corps frêle et déjà flétri sous son éclatant linceul de chair, dans le rythme inconscient des mains ouvertes et refermées, dans l’élan retenu des épaules et des hanches infatigables, respirait quelque chose de la majesté des bêtes.

— Vraiment ? tu n’as jamais senti… comment dire ? Cela vous vient comme une idée… comme un vertige… de se laisser tomber, glisser… d’aller jusqu’en bas, — tout à fait, — jus-