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Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/112

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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

être. Enfin, il se tut. Mais, avant de relever le front, il vit, comme en lui-même, comme au plus profond miroir, le regard posé sur le sien, et il dut le chercher malgré lui, il dut se livrer tout entier… Une seconde, il se sentit nu, devant son juge plein de pardon.

Il ne voyait que le regard, dans la face tremblante, détendue, livide. Ce regard qui l’appelait de si loin, suppliant, désespéré. Plus fort que deux bras tendus, plus pitoyable qu’un cri, muet, noir, irrésistible… « Que me veut-il ? »… se demandait le bonhomme, avec une espèce d’horreur sacrée… « Je croyais le voir dans l’étang de feu ! » expliqua-t-il plus tard. Une inexplicable pitié lui crevait dans le cœur.

Un moment, sur son bras, il sentit la vieille main trembler plus fort.

— Priez pour moi… murmura le saint de Lumbres à son oreille.

Mais, resserrant son étreinte, puis s’écartant d’un geste brusque, il ajouta, d’une autre voix, rude, d’un homme qui défend sa vie :

— Ne me tentez pas !…

Et ils rentrèrent dans la maison, côte à côte, sans plus rien dire.

« Ne me tentez pas ! »