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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

— Il fallait l’écarter, dit l’autre.

— Comprenez-moi, reprit le bonhomme, humblement… Je dis : Cette pensée m’est venue. C’est mal dit. Non pas une pensée, mais une certitude… (Ah ! les mots me manquent ; ils m’ont toujours manqué, s’écrie-t-il avec une impatience naïve…) Je dois aller jusqu’au bout, mon bien-aimé frère, jusqu’à ce dernier aveu… Même à genoux devant vous, plongé dans l’angoisse, doutant même de mon salut… je crois… je dois croire… invinciblement… que cette certitude venait de Dieu.

— Avez-vous eu — comment dirais-je ? — un signe matériel…

— Quel signe ? fait le curé de Lumbres, candide.

— Mais que sais-je ?… Avez-vous vu ou entendu ?…

— Rien… Seulement cette voix intérieure. Si un ordre m’eût été donné, aussi net, j’aurais obéi sur-le-champ. Mais c’était moins un ordre que la simple assurance, la certitude que cela serait… si je voulais. Dieu m’est témoin que l’aveu que je vous fais m’arrache le cœur, je devrais en mourir de honte… Je savais… Je sais… toujours… je suis sûr… qu’un mot de moi