Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
LA TENTATION DU DÉSESPOIR

Le vicaire de Campagne attendit la réponse une longue minute, sans donner signe d’impatience, mais sans paraître douter non plus d’être obéi. Par contraste, sa voix se faisait de plus en plus humble et douce, presque timide, tandis que son attitude exprimait une autorité grandissante. Et tout à coup, sans changer de ton, il ajouta ces paroles inattendues que Mlle  Malorthy sentit comme éclater dans son cœur :

— Je voulais simplement vous éloigner d’abord, car vous savez bien que le mort que vous attendez ici n’y est plus.

La stupeur de Mouchette ne se marqua que par un grand frisson, qu’elle réprima d’ailleurs à l’instant. Et ce n’était pas la peur qui fit trembler sur ses lèvres les premiers mots qu’elle prononça, presque au hasard :

— Un mort ? Quel mort ?

Il reprit, avec le même calme, tout en la devançant pour poursuivre son chemin, tandis qu’elle trottait docilement derrière lui :

— Nous sommes mauvais juges en notre propre cause, et nous entretenons souvent l’illusion de certaines fautes, pour mieux nous dérober la vue de ce qui en nous est tout à