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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

une colère surhumaine, un de ces sentiments élémentaires, rage d’enfant ou de demi-dieu ?

Il élève le petit garçon comme une hostie. Il jette au ciel un regard farouche. Comment espérer reproduire le cri de détresse, la malédiction du héros qui ne demande pitié ni pardon, mais justice ! Non, non ! il n’implore pas ce miracle, il l’exige. Dieu lui doit. Dieu lui donnera, ou tout n’est qu’un songe. De lui ou de Vous, dites quel est le maître ! Ô la folle, folle parole, mais faite pour retentir jusqu’au ciel, et briser le silence ! Folle parole, amoureux blasphème !…

À celui qui fit entrer la mort dans la famille humaine la puissance est peut-être dispensée de détruire la vie même, de la restituer au néant dont elle est tirée. Qu’il ait souffert en vain, soit ! Mais il a cru. — Montrez-Vous, s’écrie-t-il, de cette voix intérieure, où se manifeste au monde invisible l’incompréhensible pouvoir de l’homme, montrez-Vous, avant de m’abandonner pour toujours !… Ô le misérable vieux prêtre, qui jette au vent ce qu’il a pour obtenir un signe dans le ciel ! Et ce signe ne lui sera pas refusé, car la foi qui transporte des montagnes peut bien ressusciter un mort… Mais Dieu ne se donne qu’à l’amour.