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Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/17

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LA TENTATION DU DÉSESPOIR

mables, il s’avança vers elle et, tenant levée sur sa tête sa manche noire :

— Ne vous étonnez pas de ce que je vais dire : n’y voyez surtout rien de capable d’exciter l’étonnement ou la curiosité de personne. Je ne suis moi-même qu’un pauvre homme. Mais, quand l’esprit de révolte était en vous, j’ai vu le nom de Dieu écrit dans votre cœur.

Et, baissant le bras, il traça du pouce, sur la poitrine de Mouchette, une double croix.

Elle fit un bond léger en arrière, sans trouver une parole, avec un étonnement stupide. Et quand elle n’entendit plus en elle-même l’écho de cette voix dont la douceur l’avait transpercée, le regard paternel acheva de la confondre.

Si paternel !… (Car il avait lui-même goûté le poison et savouré sa longue amertume)

La langue humaine ne peut être contrainte assez pour exprimer en termes abstraits la certitude d’une présence réelle, car toutes nos certitudes sont déduites, et l’expérience n’est pour la plupart des hommes, au soir d’une longue vie, que le terme d’un long voyage autour de leur propre néant. Nulle autre évidence que logique ne jaillit de la raison, nul autre univers