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Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/19

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LA TENTATION DU DÉSESPOIR

et l’union en Dieu de sainte Thérèse ou de saint Jean de La Croix. C’est que la vie n’est confusion et désordre que pour qui la contemple du dehors. Ainsi l’homme surnaturel est à l’aise si haut que l’amour le porte et sa vie spirituelle ne comporte aucun vertige sitôt qu’il reçoit les dons magnifiques, sans s’arrêter à les définir et sans chercher à les nommer.

Que voyez-vous ? demandait-on au saint homme. Quand voyez-vous ? Quel avertissement ? Quel signe ? Et il répétait d’une voix d’enfant studieux auquel échappe le mot du rudiment : « J’ai pitié… J’ai seulement pitié !… » Quand il avait rencontré Mlle Malorthy sur le bord du chemin, ne voyant devant lui qu’une ombre presque indiscernable, une violente pitié était déjà dans son cœur. N’est-ce point ainsi qu’une mère s’éveille en sursaut, sachant de toute certitude que son enfant est en péril ? La charité des grandes âmes, leur surnaturelle compassion semblent les porter d’un coup au plus intime des êtres. La charité, comme la raison, est un des éléments de notre connaissance. Mais si elle a ses lois, ses déductions sont foudroyantes, et l’esprit qui les veut suivre n’en aperçoit que l’éclair.