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LE SAINT DE LUMBRES

il n’était pas resté insensible à cette lugubre poésie de la maison du pauvre, mais il y a beau temps que le romancier n’est plus dupe d’aucun battement de son vieux cœur ! L’émotion à peine formée, et comme à l’état naissant, est aussitôt mise en ordre, utilisée ; c’est la matière première qu’accommode au goût de l’acheteur son industrieux génie.

Le vieux comédien n’est accessible que par les sens ; la tache rousse, sur le mur, dans l’auréole de la lampe, avait mis ses nerfs à nu.

On connaît de lui, on sait de mémoire vingt pages effrontées où, de toutes les ressources de son art, le malheureux s’exerce à conjurer son intraitable fantôme. Nul n’a parlé plus librement de la mort, avec plus de nonchalance et d’amoureux mépris. Nul écrivain de notre langue ne semble l’avoir observée d’un regard si candide, raillée d’une moue si moqueuse et si tendre… Pour quelle mystérieuse revanche, la plume posée, la craint-il comme une bête, comme une brute ?

À l’idée de la chute inexorable, ce n’est pas sa raison qui cède au vertige, c’est la volonté qui fléchit, menace de se rompre. Ce raffiné connaît avec désespoir le soulèvement de l’ins-