Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
219
LE SAINT DE LUMBRES

ne voit rien de plus désirable au monde qu’un beau flanc de marbre vivant. On se jette aux femmes à corps perdu. À quarante ans, on couche avec des duchesses, à soixante il faut déjà se contenter d’aller riboter avec des filles. Et plus tard… Plus tard… Hé ! Hé ! plus tard… on porte envie à des hommes comme votre saint de Lumbres qui eux au moins savent vieillir !… La voulez-vous, ma pensée ? La pensée de l’illustre maître, ma pensée toute crue ? Quand on ne peut plus…

Il acheva sa phrase, toute crue en effet, dans une véritable explosion de dégoût. Les traits si fins eurent alors cette expression d’hébétude, le rictus sournois, l’effrayante immobilité du vice sur un masque de vieillard. Gambillet l’observait en dessous avec un sourire cruel. Le curé de Luzarnes avait reculé de deux pas. Sa détresse à ce moment eût attendri le baron Saturne de l’immortel Villiers.

— Voyons… voyons… maître… bégaya-t-il. La religion dont je suis le ministre… a des trésors d’indulgence… de charité… Le scrupule touchant le dogme… peut… doit en quelque mesure… s’accorder avec une paternelle sollicitude… une bienveillance particulière même…