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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

une, sous un pas pesant. Leur surexcitation était telle qu’ils se regardèrent avec une espèce de terreur sacrée. Mais, en reconnaissant le calme visage de Marthe, l’abbé Sabiroux, le premier, respira :

— En voilà bien d’une affaire ! marmottait la vieille, essoufflée.

Puis, sur la dernière marche, frappant à petits coups son tablier pour le défriper, elle observa les trois hommes d’un regard rapide.

— Ladislas vous attend, messieurs, dit-elle.

Ils la suivirent jusqu’à la porte du jardin, docilement, sans parler. Le ciel était plein d’étoiles.

— Ladislas aura pris les devants, reprit la servante, en montrant du doigt une lanterne balancée dans l’ombre, à travers le cimetière. J’entends son pas. Vous trouverez l’église ouverte.

Un instant, elle retint le curé de Luzarnes par sa manche et, dressée sur la pointe de ses galoches, lui glissa ces mots à l’oreille :

— Faites-lui entendre raison, au moins ; depuis hier au soir, il n’a pas mangé ! Si c’est Dieu possible !

Elle disparut sans attendre la réponse. Le