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LE SAINT DE LUMBRES

de toutes les sources spirituelles où les malheureux vont boire.

Cependant, qu’importe à l’auteur du Cierge Pascal le grignotement, dans son ombre, de tant de quenottes assidues ? Il a rongé plutôt par nécessité que par goût, avec ennui. Place aux jeunes rats mieux dentés ! Ce soir, il pourrait rêver d’eux sans colère. Il songe, en frissonnant de plaisir, à la grande ville lointaine, à sa foule bouillonnante, sous l’énorme ciel noir. La reverra-t-il jamais ? Existe-t-elle encore seulement, quelque part, là-bas, dans la nuit si douce ?

Presque au-dessus de sa tête, l’horloge bat à petits coups, comme un cœur. Il ferme un moment les yeux pour mieux l’entendre, vivre et respirer avec elle, l’antique aïeule sans âge, qui dispense à regret, depuis des siècles, l’impitoyable avenir. Ce bruit qu’il écoute, imperceptible à peine dans la charpente sonore, ce ronron monotone, seulement interrompu par la voix grave des heures, durera plus que lui, cheminera des années et des années encore, à travers de nouveaux espaces de silence, jusqu’au jour… Quel jour ? Quel jour aura marqué pour la dernière fois, au coup de minuit, les deux