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LA TENTATION DU DÉSESPOIR

choses insignifiantes… le temps… la nuit… que sais-je ?…

Il s’arrêta, pris du remords de céler une partie de la vérité à son juge. Et, brusquement, pour en finir :

— C’est à ce moment que j’ai reçu cette grâce, cette illumination dont j’ai parlé. Pour l’autre rencontre…

— J’en sais assez… momentanément du moins, interrompit le doyen. Le détail importe peu.

Il renversa la tête sur l’oreiller, prit, avec une grimace douloureuse, sa tabatière tout au fond de sa poche, huma sa prise, et, levant mollement les mains comme pour s’excuser poliment d’interrompre une conversation ordinaire :

— Voulez-vous sonner Mme  Estelle ? C’est l’heure où je dois prendre ma potion de salicylate et j’ignore où elle a placé le flacon.

Le flacon fut retrouvé à sa place habituelle. Il but lentement, s’essuya les lèvres avec beaucoup de soin, puis congédia la gouvernante d’un regard affectueux. Lorsque la porte se fut refermée :