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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

— Même mon confesseur habituel ?… demanda timidement l’abbé Donissan.

— Celui-là surtout, répondit l’autre, avec tranquillité.

Alors le silence retomba, plus lourd. Une fois, deux fois, le grand corps du vicaire oscilla de droite à gauche, et son regard se tourna vers la porte. Sa main droite tourmentait nerveusement les boutons de sa soutane. Et il entendit soudain, à son grand étonnement, sa propre voix :

— Je n’ai pas tout dit, fit-il.

Nulle réponse.

— Ce qui me reste à dire intéresse — en quelle mesure, Dieu le sait ! — le salut d’une pauvre âme dont nous aurons à répondre, vous et moi. La Providence semble me l’avoir confiée, nommément, expressément, c’est sûr, car cette personne appartient à votre famille paroissiale, monsieur le doyen.

— J’écoute, répondit l’abbé Menou-Segrais, levant lentement les yeux.

Pas une seconde, au cours du long récit qui suivit, le lucide et puissant regard ne se détourna de la face ravagée du vicaire. Une espèce d’attention douloureuse s’y pouvait lire, où la