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Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/68

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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

— En voilà assez, fit-il. Hâtons-nous ! Car l’heure sonnera bientôt où je ne pourrai plus rien pour vous, selon le monde. Parlons à présent bien net, aussi clairement que possible. Rien de meilleur que d’exprimer le surnaturel dans un langage commun, vulgaire, avec les mots de tous les jours. Aucune illusion ne tient là contre. Je passe sur votre première aventure : que vous ayez, ou non, vu face à face à celui que nous rencontrons chaque jour — non point, hélas ! au détour d’un chemin, mais en nous-mêmes — comment le saurais-je ? Le vîtes-vous réellement, ou bien en songe, que m’importe ? Ce qui peut paraître au commun des hommes l’épisode capital n’est le plus souvent, pour l’humble serviteur de Dieu, que l’accessoire. Nul moyen de juger de votre clairvoyance et de votre sincérité que vos œuvres : vos œuvres rendront témoignage pour vous. Laissons cela.

Il releva ses oreillers, reprit haleine, et continua, avec la même singulière bonhomie :

— J’en viens à votre seconde aventure, qui n’est pas sans intérêt pour moi-même, il s’en faut. Car une erreur de votre jugement a pu nuire ici à l’une de ces âmes qui, vous l’avez