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LA TENTATION DU DÉSESPOIR

ment dans la boue était le dernier et suprême acteur de cette inoubliable nuit…

— Ah ! ce n’est donc que vous ! dit Mlle  Malorthy, avec une espèce de grimace douloureuse.

Pour le voir, elle s’était dressée sur la pointe des pieds, à la hauteur de son épaule. Le petit visage crispé ne reflétait qu’une affreuse déception. En un éclair, la colère, le défi, un désespoir cynique s’y tracèrent tour à tour et avec une telle netteté, un tel approfondissement des traits, que cette figure d’enfant n’avait plus d’âge. C’est alors que ses yeux rencontrèrent le regard étrange fixé sur elle. Ils le soutinrent à peine. Et ils gardaient encore leur flamme, que l’arc détendu de la bouche n’exprimait plus qu’une anxiété pleine de rage.

Car ce regard ne s’était pas détourné un instant. Toujours prudente, même dans l’égarement de la folie, elle en épiait l’expression, avec sa méfiance ordinaire. Jusqu’alors le jeune prêtre qui, selon l’expression du docteur Gallet, « tournait les têtes faibles de Campagne », avait été son moindre souci. À le rencontrer en tel lieu, à telle heure, sa surprise était grande. Pour d’autres raisons, sa déception n’était pas moindre. Mais un moment plus tôt elle n’eût