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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

certain serrement de cœur, que ce même témoin, capable de se servir de nous sans nous rendre nul compte, nous associe plus étroitement à son action ineffable ? S’il en a été ainsi pour vous, c’est qu’il vous éprouve, et cette épreuve sera rude, si rude qu’elle peut bouleverser votre vie.

— Je le sais, balbutia le pauvre prêtre. Ah ! que vos paroles me font mal !

— Vous le savez ? interrogea l’abbé Menou-Segrais. De quelle manière ?

L’abbé Donissan se cacha le visage dans ses mains, puis, comme honteux d’un premier mouvement, il reprit, la tête droite, les yeux sur le pâle jour du dehors :

— Dieu m’a inspiré cette pensée qu’il me marquait ainsi ma vocation, que je devrais poursuivre Satan dans les âmes, et que j’y compromettrais infailliblement mon repos, mon honneur sacerdotal, et mon salut même.

— N’en croyez rien, répliqua vivement le curé de Campagne. On ne compromet son salut qu’en s’agitant hors de sa voie. Là où Dieu nous suit, la paix peut nous être ôtée, non la grâce.

— Votre illusion est grande, répondit l’abbé