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Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/81

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LA TENTATION DU DÉSESPOIR

ne m’est permise. Qu’il m’est cruel de ne pouvoir me jeter à genoux à vos côtés, rendre grâces avec vous ! J’attendais de jour en jour une confirmation surnaturelle des desseins de Dieu sur votre âme. J’attendais cette confirmation de votre zèle, de votre influence grandissante, de la conversion de mon petit troupeau. Et dans votre vie si troublée, si pleine d’orages, le signe a éclaté comme la foudre. Il me laisse plus perplexe qu’avant. Car il est sûr désormais que ce signe est équivoque, que le miracle même n’est pas pur !

Il réfléchit un moment, puis, levant les épaules, dans un geste d’impuissance :

— Dieu sait que je ne céderais pas à la crainte ! Dieu sait que je suis trop tenté d’affronter le jugement d’autrui ! On m’accuse volontiers d’indépendance et même d’insubordination. Il y a pourtant telle règle qu’on ne peut enfreindre. Que vous vous déchiriez à coups de discipline, j’y mettrais ordre. Que vous rêviez le diable, ou le rencontriez à tous les carrefours, cela me regarde. Mais cette histoire, non moins invraisemblable de la petite Malorthy, m’éclaire. Je ne puis vous laisser libre de parler et d’agir dans cette paroisse