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LA TENTATION DU DÉSESPOIR

doute à compromettre, dans la personne de M. Donissan, la dignité de notre ministère. Mais sa présence au chevet de la mourante, en dépit de la protestation formelle de M. Malorthy, ne devait être en aucun cas tolérée par M. le doyen de Campagne. J’accorde que ce qui a suivi ne pouvait être prévu d’un homme sensé. Le désir de cette jeune personne, manifesté publiquement, d’être conduite au pied de l’église pour y expirer, ne devait pas être pris en considération. Outre que le père et le médecin traitant s’opposaient à une telle imprudence, ce qu’on sait du passé et de l’indifférence religieuse de Mlle  Malorthy autorisait à croire que, déjà soignée jadis pour troubles mentaux, l’approche de la mort bouleversait sa faible raison. Que dire de l’altercation qui a suivi ! Des étranges paroles prononcées par le malheureux vicaire ! Que dire surtout du véritable rapt commis par lui, lors que, arrachant la malade aux mains paternelles, il l’a portée tout ensanglantée et moribonde à l’église, heureusement voisine ! De tels excès sont d’un autre âge, et ne se qualifient point.

Grâce au ciel, le scandale a heureusement pris fin. De bonnes âmes, plus zélées que sages, attiraient déjà l’attention sur cette conversion in