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Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/93

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LE SAINT DE LUMBRES

trouve à toute choses un sens, et comme une saveur nouvelle… Pour la première fois, il contemple sans amour, mais avec pitié, le lamentable troupeau humain, né pour paître et mourir. Il goûte l’amer sentiment de sa défaite et de sa grandeur. À la limite de l’angoisse, la volonté intrépide refuse de s’avouer vaincue ; elle veut retrouver son équilibre, coûte que coûte…

Il est debout, maintenant ; il pose devant lui un regard inflexible… Que de nuits, pareilles à cette nuit, jusqu’à la dernière nuit ! Mais toujours, dans la foule, la grâce divine frappera son coup ; toujours elle marquera quelqu’un de ces hommes, vers qui monte la justice, à travers le temps, comme un astre. L’astre docile accourt à leur voix.

Il ne regarde plus la petite église, il regarde au-dessus. Il est tout vibrant d’une exaltation sans joie. Il ne souffre presque plus, il est fixé pour toujours. Il ne désire rien ; il est vaincu. Par la brèche ouverte, l’orgueil rentre à flots dans son cœur…

— Je me damnais, sans y penser, disait-il plus tard ; je me sentais durcir comme une pierre.