Page:Bernard - Brutus.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mille ſoins m’ont acquis un bien ſi precieux,
Et mon heureux Rival l’obtiendroit à mes yeux ?
Un ſeul mot de Brutus en faveur de ce frere,
Prévaudroit ſur mes ſoins, ſur le bonheur de plaire ?
Quel ſecours, Marcellus ? Que pourray-je tenter ?

MARCELLUS.

Je ne voy nul eſpoir qui doive vous flater.
L’infléxible Brutus a donné ſa parole.
L’amour eſt à ſes yeux une ardeur trop frivole,
Il n’en connut jamais les peines, les douceurs,
Et ne peut être émû de toutes vos douleurs.
L’amour à la pitié ne ſçauroit le conduire,
Ah ! pourquoy vôtre cœur ſe laiſſoit-il ſeduire ?

TITUS.

Pouvois-je d’Aquilie éviter le pouvoir,
Et puis-je en l’adorant écouter mon devoir ?
Mais ſans bleſſer les loix ſous qui l’amour me range,
Ne peut-on pas donner par un heureux échange
À la ſœur du Conſul mon frere pour époux ?

MARCELLUS.

Songez, Seigneur, qu’il aime en même lieu que vous.
Quel ſujet d’immoler ſa tendreſſe à la vôtre ?
D’ailleurs Valerius vous prefere à tout autre,
Et ſi j’en puis juger, Valerie encor plus.
Mais Seigneur, agiſſez auprés d’Aquilius ;
Faites qu’à vôtre frere il refuſe ſa fille,
Qu’il cherche à vous unir luy-même à ſa famille,
Du Conſul vôtre pere il eſt conſideré,
Peut-être il changeroit vos deſtins à ſon gré ;
Si vous eſtes aimé, faites par Aquilie
Qu’Aquilius obtienne…