Page:Bernard - Brutus.djvu/28

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S’il connoiſſoit l’amour qui ſçût vous enflâmer.

VALERIE.

Hé ! l’ignoreroit-il s’il me pouvoit aimer ?
Pourquoy vois-je le trait dont ſon ame eſt bleſſée ?
Helas ! que ne lit-il ainſi dans ma penſée ?
Pourquoy Valerius m’ordonna-t’il des vœux
Que Titus deſormais rendra ſi malheureux ?
En loüant ſes vertus, il augmentoit ſans ceſſe
Ce que ſon ordre en moy fit naître de tendreſſe,
Il verſoit en mon cœur le dangereux poiſon
Que prêtent à l’Amour l’eſtime & la raiſon.

PLAUTINE.

Titus doit être à vous, qu’il aime ou qu’il haïſſe,
Ainſi Brutus l’ordonne, il faut qu’il obeïſſe.

VALERIE.

Moy je l’épouſerois, lorſqu’il ſent d’autres feux !
Non, non, mon cœur trop fier, quoyqu’il ſoit amoureux,
Va ſe faire une juſte & triſte violence ;
Aux ordres des Conſuls je feray reſiſtance.
Mais quoy ! je ſerviray Titus dans ſes amours ?
Il faut par mon hymen en arrêter le cours.
Et que ſçay-je, Plautine ? il m’aimera peut-être ;
Ma tendreſſe à la fin ſe fera reconnoître.
Témoin de mes ſoûpirs, il peut s’en émouvoir ;
Dans mes ſoins amoureux il lira ſon devoir.
Ce devoir, mon amour, le convieront ſans ceſſe
À me donner ſon cœur, à payer ma tendreſſe ;
Penſe-tu qu’il pourra toûjours leur reſiſter ?
Non, de m’aimer un jour, il ne peut s’exempter.
Mais découvrons s’il voit le pere d’Aquilie ;
Rompons tous leurs deſſeins, il y va de ma vie,
Le jour de mon hymen a demain arrêté,
Va redoubler leurs ſoins, & leur activité.