Page:Bernard - Brutus.djvu/59

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VALERIE.

Je n’ai pas pris encor le ſoin de m’en inſtruire.
J’ai tremblé pour Titus ; & mon cœur éclairci
Pour le reſte, Plautine, eſt ſans aucun ſouci.
Parmi les conjurez on n’a point vû paroître
Le Heros que mon cœur a reconnu pour maître,
Ses vertus l’ont ſauvé dans un pas ſi gliſſant,
Et malgré ſon amour Titus eſt innocent.
Contente j’ai conduit mon eſclave à mon frere ;
Et ſeul je l’ai laiſſé reveler ce myſtere.
Plautine, conçois-tu quelles ſont les douceurs,
De voir une rivale abandonnée aux pleurs ?
Mon amour eſt vengé. Je ne crains plus rien d’elle.
Son nom ſera couvert d’une tache eternelle.
Deſormais tout ſepare Aquilie & Titus,
La fille d’un coupable, & le fils de Brutus.
De ſon indigne choix il rougira lui-même.
Pour en laver la honte, il faut enfin qu’il m’aime.
Peut-étre a-t’elle part à ce complot affreux ;
Digne ſang des Tarquins elle agiſſoit pour eux ;
La fille a ſecondé le pere dans ſon crime ;
Et l’un & l’autre doit nous ſervir de victime.

PLAUTINE.

Vous avez de haïr un ſujet aſſez grand ;
Mais, je vous l’avourai, ce tranſport me ſurprend,
Je vois que vos ſouhaits attentent à leur vie.
Vous eſtiez autrefois moins cruelle ennemie,
Et par les malheureux facile à deſarmer,
Jamais en haïſſant vous n’eſtiez loin d’aimer.
Mais, Madame, aujourd’hui…