Page:Bernard - Brutus.djvu/66

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Quand vous nous rameniez ces Maîtres orgueilleux.
Deviez-vous de nos jours diſpoſer avec eux ?

TIBERINUS.

Non, Seigneur, vôtre vie eſtoit en aſſurance,
Des Tarquins à ce prix j’embraſſois la deffence.

VALERIE.

Souffrez que je vous diſe en faveur de ce fils,
Que par ſon amour ſeul ſon crime fut commis ;
Aquilie a tout fait.

BRUTUS.

Aquilie a tout fait.La pitié vous abuſe.
L’amour a des forfaits ne peut ſervir d’excuſe.

TIBERINUS.

Ce n’eſt qu’à vôtre amour que j’en veux appeller,
La Nature pour moi ne peut-elle parler ?

BRUTUS.

Je n’écouteray pas ſa voix trop indulgente,
Et Rome dans mon cœur ſera la plus puiſſante.

TIBERINUS.

Eſt-il quelque devoir qui puiſſe rendre vains
Les droits de la Nature, & ſi forts & ſi ſaints ?
Seriez-vous ſans vertus à moins d’un paricide ?
Entre les loix & moi que vôtre ſang decide.

BRUTUS.

Pretens-tu me toucher quand je te vois fremir ?
Encor ſi de ta faute on t’entendoit gémir !
Lâche, tu crains la mort, & n’as pas craint le crime
Tu ne pouſſeras point un ſoûpir legitime.
Le moindre repentir ne t’eſt point échapé,
Et du ſeul châtiment ton cœur eſt occupé.
C’eſt en vain que pour toi parleroit la Nature.
Tu ſçaurois dans mon ame étoufer ſon murmure.
Je ne te connois plus, oſte-toy de ces lieux,
Par ta vile frayeur n’offenſe plus mes yeux.