Page:Bernard - Laodamie, reine d’Épire.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’amour ſur nos pareils doit être ſans pouvoir.
J’aimai, je vous le dis, & vous l’avez ſçu voir ;
Mais je hais encor plus, & je veux vous l’apprendre,
Car enfin de mon cœur je ne ſçai point dépendre.
Je vous aimois, je pus vous donner à ma Sœur,
Ma main s’offroit ailleurs quand vous aviez mon cœur.
Et victime en effet pour en être plus Reine,
J’immolois à l’Etat mon amour & ma haine.
Depuis Attale mort, l’État a demandé
Qu’on vous offrît le Trône, il vous eſt accordé,
Par le même interêt que j’épouſois Attale,
Je vous ai fait une offre à vos déſirs fatale.
Votre amour en murmure, & n’a pu ſe trahir :
Vous m’avez refuſée, & je dois vous haïr.
Je vous hais donc autant que le veut la juſtice ;
Mais de ma haine encor je fais le ſacrifice.
L’État eſt le plus fort, je veux vous faire Roi
Malgré des ſentimens qui ne ſont que pour moi.

GELON.

Madame, il faut partir ; l’exil eſt légitime.
Haïſſez-moi pourtant ſans m’ôter votre eſtime.
Par la foi, par l’honneur mon cœur eſt arrêté ;
Je ne puis être à vous ſans bleſſer l’équité.