Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/102

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que tant d’astres mobiles et immobiles, grands et petits, attirants et attirés, se maintiennent à des distances infinies les uns des autres, depuis des siecles, par la seule projection du hasard ? Le judicieux Bayle reproche en général aux astronomes leur ignorance en physique, et d’en négliger l’étude pour celle du calcul. Il prétend même que ces deux études sont incompatibles. Il leur déclare, malgré son scepticisme sur la plupart des opinions humaines, que leur système s’écroulera de lui-même, et qu’ils seront forcés, tôt ou tard, pour le soutenir, d’admettre une intelligence dans chacun des astres dont ils veulent expliquer le mouvement ou le repos.

Ce fut Voltaire qui apporta en France l’attraction Newtonienne, dont elle étoit repoussée depuis vingt-sept ans par les tourbillons Carthésiens. Ce n’étoit pas une petite gloire pour lui de renverser un système et d’en édifier un autre. Il auroit pu faire honneur de celui-ci à Keppler, son inventeur, et même aux anciens, comme on le voit dans un morceau très curieux de Plutarque. Mais il préféra d’en donner des leçons à la belle Émilie du Châtelet, de lui en dédier un traité, et de le faire paroître sous ses auspices, par une fort belle épître en vers. Il y parle de Newton comme d’un demi-dieu :


Confidents du Très-Haut, substances éternelles,
Qui brûlez de ses feux, qui couvrez de vos ailes
Ce trône où votre maître est assis parmi vous,
Parlez, du grand Newton n’étiez-vous point jaloux ?


Il y a apparence que dans cet élan il étoit beaucoup plus enthou-