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ET VIRGINIE

Dans ce lieu depuis un an demeuroit une femme vive, bonne et sensible ; elle s’appeloit Marguerite. Elle étoit née en Bretagne d’une simple famille de paysans, dont elle étoit chérie, et qui l’auroit rendue heureuse, si elle n’avoit eu la foiblesse d’ajouter foi à l’amour d’un gentilhomme de son voisinage qui lui avoit promis de l’épouser ; mais celui-ci ayant satisfait sa passion s’éloigna d’elle, et refusa même de lui assurer une subsistance pour un enfant dont il l’avoit laissée enceinte. Elle s’étoit déterminée alors à quitter pour toujours le village où elle étoit née, et à aller cacher sa faute aux colonies, loin de son pays, où elle avoit perdu la seule dot d’une fille pauvre et honnête, la réputation. Un vieux noir, qu’elle avoit acquis de quelques deniers empruntés, cultivoit avec elle un petit coin de ce canton.

Madame de la Tour, suivie de sa négresse, trouva dans ce lieu Marguerite qui allaitoit son enfant. Elle fut charmée de rencontrer une femme dans une position qu’elle jugea semblable à la sienne. Elle lui parla en peu de mots de sa condition passée et de ses besoins présents. Marguerite au récit de madame de la