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ET VIRGINIE

devoir et un plaisir. Lorsque j’appris que ma voisine avoit une compagne, je fus la voir pour tâcher d’être utile à l’une et à l’autre. Je trouvai dans madame de la Tour une personne d’une figure intéressante, pleine de noblesse et de mélancolie. Elle étoit alors sur le point d’accoucher. Je dis à ces deux dames qu’il convenoit, pour l’intérêt de leurs enfants, et sur-tout pour empêcher l’établissement de quelque autre habitant, de partager entre elles le fond de ce bassin, qui contient environ vingt arpents. Elles s’en rapporterent à moi pour ce partage. J’en formai deux portions à-peu-près égales : l’une renfermoit la partie supérieure de cette enceinte, depuis ce piton de rocher couvert de nuages, d’où sort la source de la riviere des Lataniers, jusqu’à cette ouverture escarpée que vous voyez au haut de la montagne, et qu’on appelle l’Embrasure, parcequ’elle ressemble en effet à une embrasure de canon. Le fond de ce sol est si rempli de roches et de ravins qu’à peine on y peut marcher ; cependant il produit de grands arbres, et il est rempli de fontaines et de petits ruisseaux. Dans l’autre portion je compris toute la partie inférieure qui s’étend le long de la riviere des