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PAUL

lages leur firent bientôt perdre de vue la montagne des Trois-mamelles sur laquelle ils se dirigeoient, et même le soleil qui étoit déja près de se coucher. Au bout de quelque temps ils quitterent sans s’en appercevoir le sentier frayé dans lequel ils avoient marché jusqu’alors, et ils se trouverent dans un labyrinthe d’arbres, de lianes, et de roches, qui n’avoit plus d’issue. Paul fit asseoir Virginie, et se mit à courir çà et là, tout hors de lui, pour chercher un chemin hors de ce fourré épais ; mais il se fatigua en vain. Il monta au haut d’un grand arbre pour découvrir au moins la montagne des Trois-mamelles ; mais il n’apperçut autour de lui que les cimes des arbres, dont quelques unes étoient éclairées par les derniers rayons du soleil couchant. Cependant l’ombre des montagnes couvroit déja les forêts dans les vallées ; le vent se calmoit, comme il arrive au coucher du soleil ; un profond silence régnoit dans ces solitudes, et on n’y entendoit d’autre bruit que le bramement des cerfs qui venoient chercher leur gîte dans ces lieux écartés. Paul, dans l’espoir que quelque chasseur pourroit l’entendre, cria alors de toute sa force : « Venez, venez, au secours de Virginie » !