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PAUL

du personnage de Raguel, et j’accordois à Paul ma fille Séphora en mariage.

Une autre fois elle représentoit l’infortunée Ruth qui retourne veuve et pauvre dans son pays, où elle se trouve étrangere après une longue absence. Domingue et Marie contrefaisoient les moissonneurs. Virginie feignoit de glaner çà et là sur leurs pas quelques épis de bled. Paul, imitant la gravité d’un patriarche, l’interrogeoit ; elle répondoit en tremblant à ses questions. Bientôt ému de pitié il accordoit l’hospitalité à l’innocence, et un asile à l’infortune ; il remplissoit le tablier de Virginie de toutes sortes de provisions, et l’amenoit devant nous, comme devant les anciens de la ville, en déclarant qu’il la prenoit en mariage malgré son indigence. Madame de la Tour à cette scene venant à se rappeler l’abandon où l’avoient laissée ses propres parents, son veuvage, la bonne réception que lui avoit faite Marguerite, suivie maintenant de l’espoir d’un mariage heureux entre leurs enfants, ne pouvoit s’empêcher de pleurer ; et ce souvenir confus de maux et de biens nous faisoit verser à tous des larmes de douleur et de joie.