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ET VIRGINIE

présents que Virginie pût faire de l’aisance de l’habitation ; mais elle y joignoit une bonne grace qui leur donnoit un grand prix. D’abord c’étoit Paul qui étoit chargé de les porter lui-même à ces familles, et elles s’engageoient en les recevant de venir le lendemain passer la journée chez madame de la Tour et Marguerite. On voyoit alors arriver une mere de famille avec deux ou trois misérables filles, jaunes, maigres, et si timides qu’elles n’osoient lever les yeux. Virginie les mettoit bientôt à leur aise ; elle leur servoit des rafraîchissements, dont elle relevoit la bonté par quelque circonstance particuliere qui en augmentoit selon elle l’agrément. Cette liqueur avoit été préparée par Marguerite, cette autre par sa mere ; son frere avoit cueilli lui-même ce fruit au haut d’un arbre. Elle engageoit Paul à les faire danser. Elle ne les quittoit point qu’elle ne les vît contentes et satisfaites ; elle vouloit qu’elles fussent joyeuses de la joie de sa famille. « On ne fait son bonheur, disoit-elle, qu’en s’occupant de celui des autres ». Quand elles s’en retournoient elle les engageoit d’emporter ce qui paraissoit leur avoir fait plaisir, couvrant la nécessité d’agréer ses présents du