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Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/175

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PAUL

point de jour qu’ils ne se communiquassent quelques secours ou quelques lumieres : oui, des lumieres ; et quand il s’y seroit mêlé quelques erreurs, l’homme pur n’en a point de dangereuses à craindre. Ainsi croissoient ces deux enfants de la nature. Aucun souci n’avoit ridé leur front, aucune intempérance n’avoit corrompu leur sang, aucune passion malheureuse n’avoit dépravé leur cœur : l’amour, l’innocence, la piété, développoient chaque jour la beauté de leur ame en graces ineffables, dans leurs traits, leurs attitudes et leurs mouvements. Au matin de la vie ils en avoient toute la fraîcheur : tels dans le jardin d’Éden parurent nos premiers parents, lorsque sortant des mains de Dieu, ils se virent, s’approcherent, et converserent d’abord comme frere et comme sœur. Virginie, douce, modeste, confiante comme Ève ; et Paul, semblable à Adam, ayant la taille d’un homme avec la simplicité d’un enfant.

Quelquefois seul avec elle (il me l’a mille fois raconté), il lui disoit au retour de ses travaux : « Lorsque je suis fatigué ta vue me délasse. Quand du haut de la montagne je t’apperçois au fond de ce vallon, tu me parois au milieu de nos vergers comme un bouton