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ET VIRGINIE

langueur encore plus touchante. Personne ne pouvoit la voir ni l’entendre sans se sentir ému. La tristesse de Paul en augmenta. Marguerite, affligée de la situation de son fils, lui dit en particulier : « Pourquoi, mon fils, te nourrir de fausses espérances, qui rendent les privations encore plus ameres ? Il est temps que je te découvre le secret de ta vie et de la mienne. Mademoiselle de la Tour appartient, par sa mere, à une parente riche et de grande condition : pour toi, tu n’es que le fils d’une pauvre paysanne, et, qui pis est, tu es bâtard. »

Ce mot de bâtard étonna beaucoup Paul ; il ne l’avoit jamais ouï prononcer ; il en demanda la signification à sa mere, qui lui répondit : « Tu n’as point eu de pere légitime. Lorsque j’étois fille, l’amour me fit commettre une foiblesse dont tu as été le fruit. Ma faute t’a privé de ta famille paternelle, et mon repentir, de ta famille maternelle. Infortuné, tu n’as d’autres parents que moi seule dans le monde » ! et elle se mit à répandre des larmes. Paul, la serrant dans ses bras, lui dit : « Oh, ma mere, puisque je n’ai d’autres parents que vous dans le monde, je vous en aimerai davantage.