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PAUL

l’amitié, l’humanité, et la concorde, l’évangile, a servi pendant des siecles de prétexte aux fureurs des Européens. Combien de tyrannies publiques et particulieres s’exercent encore en son nom sur la terre ! Après cela, qui se flattera d’être utile aux hommes par un livre ? Rappelez-vous quel a été le sort de la plupart des philosophes qui leur ont prêché la sagesse. Homere, qui l’a revêtue de vers si beaux, demandoit l’aumône pendant sa vie. Socrate, qui en donna aux Athéniens de si aimables leçons par ses discours et par ses mœurs, fut empoisonné juridiquement par eux. Son sublime disciple Platon fut livré à l’esclavage par l’ordre du prince même qui le protégeoit : et avant eux, Pythagore, qui étendoit l’humanité jusqu’aux animaux, fut brûlé vif par les Crotoniates. Que dis-je ? la plupart même de ces noms illustres sont venus à nous défigurés par quelques traits de satire qui les caractérisent, l’ingratitude humaine se plaisant à les reconnoître là ; et si dans la foule la gloire de quelques uns est venue nette et pure jusqu’à nous, c’est que ceux qui les ont portés ont vécu loin de la société de leurs contemporains : semblables à