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Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/257

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PAUL

savants, et les marins si habiles ! Il parloit des arrangements qu’il alloit faire pour la recevoir, du nouveau logement qu’il alloit bâtir, des plaisirs et des surprises qu’il lui ménageroit chaque jour quand elle seroit sa femme. Sa femme !… cette idée le ravissoit. Au moins, mon pere, me disoit-il, vous ne ferez plus rien que pour votre plaisir. Virginie étant riche, nous aurons beaucoup de noirs qui travailleront pour vous. Vous serez toujours avec nous, n’ayant d’autre souci que celui de vous amuser et de vous réjouir. Et il alloit, hors de lui, porter à sa famille la joie dont il étoit enivré.

En peu de temps les grandes craintes succedent aux grandes espérances. Les passions violentes jettent toujours l’ame dans les extrémités opposées. Souvent, dès le lendemain, Paul revenoit me voir, accablé de tristesse. Il me disoit : « Virginie ne m’écrit point. Si elle étoit partie d’Europe elle m’auroit mandé son départ. Ah ! les bruits qui ont couru d’elle ne sont que trop fondés ! sa tante l’a mariée à un grand seigneur. L’amour des richesses l’a perdue comme tant d’autres. Dans ces livres qui peignent si bien les femmes la vertu n’est qu’un sujet de roman. Si Virginie avoit